Traduire, c’est trahir ?

Le Blog Lifestyle 21 mars 2017 0

Le 14 décembre dernier, la traductrice française Bérengère Viennot témoignait sur Slate.fr de la difficulté à traduire Donald Trump : « C’est dur de bien traduire quelqu’un qui parle si mal ». En effet, au-delà des difficultés techniques liées au passage d’une langue à une autre, le manque d’éloquence et la vulgarité de certains propos au président américain posent des problèmes éthiques, politiques et idéologiques à ses traducteurs.

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Le casse-tête Trump pour les traducteurs

Une étude réalisée par l’université de Carnegie Mellon (Pennsylvanie), portant sur le niveau d’éloquence des présidents a montré que Donald Trump utilisait un vocabulaire et une grammaire du niveau d’un élève de 6e. Le langage limité et répétitif du président américain, à contre-courant de ce qu’on attend habituellement d’un homme politique de cette envergure, désoriente les traducteurs. En effet, Trump utilise toujours les mêmes adjectifs : great, tremendous, incredible, strong et tough auxquels s’ajoutent les incontournables good et bad d’autant plus accentués par le fameux very.

Afin de retranscrire au mieux le propos original, le traducteur ne doit pas seulement traduire le vocabulaire employé par le locuteur mais aussi rester fidèle au ton et à son intention de départ. C’est ici une grande difficulté pour les traducteurs de Trump, dont le faible niveau de langue et les tournures très familières ancrent fortement son discours culturellement.

Même si l’éthique pousse les traducteurs à rester au plus près de l’original, ces derniers effectuent, de façon inconsciente, des choix idéologiques dans les différentes façons de traduire un texte ou un discours. Dans le cas Donald Trump, le traducteur est confronté au dilemme suivant : faut-il rester fidèle au discours du président américain au risque d’obtenir un texte de mauvaise qualité, ou lisser son discours et ainsi laisser penser qu’il s’exprime comme n’importe quel autre chef d’Etat ?

Des erreurs de traduction qui auraient pu coûter la couronne à Iris Mittenaere élue Miss Univers

Les erreurs de traduction peuvent parfois avoir des conséquences inattendues. Ce fut le cas lors de l’élection de Miss Univers en janvier dernier où la Française Iris Mittenaere a failli passer à côté du titre.

Le traducteur officiel du concours a en effet produit de grossières erreurs de traduction lorsque les trois dernières finalistes se sont vu poser la question ultime : « parlez-nous d’un de vos échecs et dites-nous ce que vous en avez appris ». Ce à quoi Iris Mittenaere a répondu : « j’ai cru échouer pendant ma première année de médecine, parce que, au départ, je n’étais pas sur la liste. » Ce qui a été traduit par : « J’ai pensé échouer la première fois où je me suis présentée à un casting. » Le traducteur poursuit sur sa lancée et continue de confondre médecine et mannequinat : « le lendemain, j’ai découvert que j’étais dans un nouveau book. » au lieu de : « l’après-midi même, je suis allée m’acheter un nouveau livre de médecine ». Et le traducteur de conclure par : « pour moi, ce concours est ma première grande opportunité», au lieu de préciser qu’Iris Mittenaere avait finalement réussi « sa première année de médecine ».

Les erreurs de traduction peuvent parfois être lourdes des conséquences

L’affaire Iris Mittenaere relève de l’anecdotique et prête à sourire. Toutefois, certaines erreurs de traduction ont eu de lourdes conséquences historiques. Parmi les plus célèbres, on peut citer le triste destin d’Hiroshima.

En juillet 1945, les Alliés adressèrent à Kantaro Suzuki, Premier ministre japonais, un ultimatum exigeant la capitulation inconditionnelle de son pays. Aux journalistes pressés de connaître la réaction des autorités, le gouvernement japonais répondit qu’il « s’abstenait de tout commentaire pour le moment ». Dans sa déclaration, il utilisa le mot mokusatsu, très polysémique, qui peut vouloir dire « ne pas tenir compte / ignorer », mais aussi « sans commentaire ». Toutefois, la presse opta pour le premier sens et traduisit les paroles du Premier ministre par « nous rejetons catégoriquement votre ultimatum ». La suite de l’histoire est connue puisque dix jours plus tard, les Américains larguaient leur bombe meurtrière sur la ville japonaise. Une erreur de traduction qui coûta la vie à des milliers de personnes…

Notre histoire est truffée d’erreurs de traduction qui ont eu des conséquences curieuses, inattendues ou tragiques. La traduction est en effet une gymnastique intellectuelle qui doit prendre en compte les subtilités du langage, le contexte, les différentes interprétations possibles mais aussi le public auquel on s’adresse.

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