Frigos solidaires : l’entraide en libre-service

Le Blog Lifestyle 27 août 2018 0

Dans le 18e arrondissement, la terrasse de La Cantine du 18 semble a priori identique à celle des autres restaurants. A un détail près : sur ses roulettes et encadré d’un caisson en contreplaqué, un réfrigérateur arbore fièrement la mention « Frigo solidaire ». Derrière sa porte en verre transparent, quelques aliments s’y entassent. Ces derniers ne sont pas destinés à la vente, mais aux personnes démunies qui, si elles le souhaitent, peuvent s’y servir gratuitement en denrées alimentaires.

frigos solidaires

Un frigo qui réchauffe le cœur

C’est en 2012 que Dounia Mebtoul, la co-gérante de La Cantine, découvre lors d’un voyage à Londres l’existence de ces Peoples’s Fridges. Le principe en est simple : placé à l’extérieur, un réfrigérateur est régulièrement approvisionné par des donateurs afin de permettre aux personnes précaires de se procurer gratuitement des produits alimentaires, le tout en libre-service. Aucun justificatif n’est demandé aux bénéficiaires, retraités, étudiants, chômeurs ou mères de famille en difficulté.

De retour, Dounia entreprend quelques recherches et découvre qu’aucun dispositif de la sorte n’existe dans l’Hexagone. Epaulée par les associations Le Carillon et Cap ou pas cap, la restauratrice épluche les textes de loi et les procédures administratives pour enfin parvenir à installer, au printemps 2017, le tout premier frigo solidaire de France. Le besoin était réel, puisque les denrées qui y sont déposées ne restent en général pas plus d’une heure dans le frigo.

Objectif : 50 frigos d’ici la fin de l’année

L’initiative bénéficie dès son lancement d’une couverture médiatique conséquente, créant un esprit d’émulation auprès d’autres commerçants. Tant et si bien qu’après la première année de leur introduction, une dizaine de frigos solidaires sont déjà apparus à Strasbourg, Marseille, Grenoble, Nancy, et même dans un restaurant universitaire de Vichy. L’artiste Natoo, qui s’est engagée en faveur du projet et a contribué à sa notoriété, espère en voir une cinquantaine déployée d’ici la fin de l’année.

Pivot de la relation entre donateurs et bénéficiaires, le réfrigérateur est fourni par l’association Identités Mutuelles, qui met à disposition, sur son site Internet, les informations et formulaires nécessaires aux commerçants voulant se lancer dans cette aventure solidaire. A condition toutefois de respecter quelques consignes : veiller à la propreté du frigo, y placer une partie de ses invendus, retirer les produits dont la date de consommation a expiré ainsi que ceux qui ne seraient pas conformes à la charte (alcool, emballage entamé ou plats préparés à la maison). Une participation financière du commerçant sera aussi exigée afin de financer l’achat du frigo.

Financement participatif pour un acte solidaire

Car l’achat et la préparation d’un frigo neuf coûte cher à l’association : 1300 euros sont nécessaires pour chaque nouvel équipement. Conscients de la somme que cela représente pour les petits commerçants, l’équipe des Frigos solidaires a mis en place un système de cagnotte en ligne permettant aux volontaires de rassembler les fonds nécessaires. A moins de bénéficier d’un frigo qui aurait été retourné par un commerçant voulant sortir du projet, mais aucun, à ce jour, n’a désiré faire machine arrière.

Cette initiative met en tout cas la lutte contre le gaspillage alimentaire à la portée de chacun, chaque geste pouvant réduire les neuf millions de tonnes de nourriture jetés tous les ans en France (soit l’équivalant de 137 kilos par personne). En Allemagne, où le concept s’est étendu à de nombreuses villes, plusieurs centaines de tonnes ont ainsi été sauvées de la poubelle par le réseau Foodsharing, initiateur du projet en 2012.

Les frigos solidaires cumulent aussi les mérites de développer la solidarité locale, de tisser du lien social et de créer des espaces de convivialité. Mais plus que tout, ces réfrigérateurs pas comme les autres répondent aux besoins de première nécessité des personnes les plus démunies. Sur le territoire, 8.9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, et la moitié d’entre elles ne mangent pas à leur faim.

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