La galerie parisienne Artiskik Rezo consacre une exposition unique et exceptionnelle à l’artiste urbain Erell, à voir depuis le 31 mars jusqu’au 4 mai 2016. Les travaux que l’avignonnais présente sont le résultat d’expérimentations sur la structure, sur la matière, et sur la couleur, avec comme fil conducteur des combinaisons de motifs organiques hexagonaux, que l‘artiste définit lui-même comme des « particules ». Des motifs, ni figés ni immuables, qui sont les éléments fondateurs et centraux de son œuvre et de son travail sur le vivant.
Un long parcours académique pour Erell
Pendant ses années de lycée, Erell s’intéresse déjà à la pratique du graffiti, tout comme aux travaux d’autres artistes qui se démarquent de l’approche de la rue. « Je cherchais d’autres modes d’expression et de représentation que le lettrage pur et dur, en m’intéressant à l’art minimal et à l’utilisation de procédés industriels », se souvient-il. Après un bac en arts appliqués, Erell commence un BTS Design de produits et développe les motifs qu’il utilise actuellement. « J’ai fait ma première installation avec des motifs découpés aux ciseaux, en recouvrant ma chambre ». Après un passage en CAP ébénisterie, il entre en 2009 à l’École supérieure d’art et de design de Saint-Étienne. Un environnement et des rencontres qui vont lui permettre d’affiner son modèle de production iconoclaste. Erell y décroche durant 2 années consécutives le post-diplôme de recherche en design de son école.
Au contact du « street art »
« Tout au long de mes études, j’ai continué à développer en parallèle ma pratique de rue, en la nourrissant du design ». Erell se présente à l’Interactive Design Festival de Bordeaux, son premier « Street art festival », en 2011. Ces marques géométriques qui sont devenues sa signature, lui sont inspirées du contexte urbain.
En arpentant les rues, il découvre l’affichage sauvage, pub, graffiti, logo, qui recouvre les murs. « À l’époque où je taguais, j’étais partagé entre l’envie de répéter mon tag avec d’autres techniques et l’envie de passer à un système d’affichage ». Se rendant compte que les gens reconnaissent les tags plutôt qu’ils ne les lisent, il se met à styliser son tag afin qu’il ne soit plus lisible, mais identifiable. « Je l’ai simplifié jusqu’à ce qu’il devienne une forme géométrique simple, un sticker de forme hexagonale, et j’ai voulu éclater cette forme pour en faire un motif, et transformer ma signature en écriture ».
Imagerie moléculaire et appropriation urbaine
Les motifs d’Erell ressemblent aux formules topologiques de la chimie organique. « Les cours de chimie m’ont orienté vers cette imagerie, comme la nécessité de comprendre comment fonctionnent les organismes qui nous entourent ». Un pied dans le design et un pied dans l’art de rue, il considère le graffiti comme des motifs vivants qui se démultiplient. « Je me suis mis à mimer le tag en le schématisant, comme une pub ou un logo, touchant les graffers, mais aussi les passants qui vont identifier et reconnaitre ces signatures ».
La rue est un terrain de jeu, un espace qui se réinvente en permanence, et que les gens se réapproprient. L’architecture, la voirie, les espaces verts, tout l’environnement urbain l’inspire: « J’ai l’impression que l’on subit moins la ville quand on commence à se l’approprier. Je pense que c’est indispensable et, d’une manière générale, que ça nous rend vivant ».
L’abstraction, moteur d’évasion et de mystère :
L’abstraction de son œuvre dégage aussitôt une part de mystère, mais l’emplacement physique contribue à amplifier cet effet. « Je colle principalement mes stickers dans les transports en commun et des lieux fermés, afin d’interpeller les gens et les éloigner de leur train-train quotidien, même pour un bref instant ». Quand l’artiste repère un endroit qui l’intéresse, une grille d’aération, un égout, un quelconque recoin, il le « contamine ». « Des situations parfois inconfortables, notamment quand je colle des motifs à l’intérieur des poubelles ou dans les toilettes publiques ».
Cette dimension fragile et éphémère constitue une composante essentielle de son travail. « Il m’est arrivé de faire évoluer certains collages dans le temps, en y revenant plusieurs fois, jusqu’à recouvrir totalement l’espace contaminé ». Ces installations sont vouées à se moduler, à vivre, et à mourir : « rien n’est définitif » !