Nombreux sont les artistes à avoir puisé leur imagination au pied du mont Fuji. Le plus haut sommet du Japon, qui est aussi un lieu sacré tant pour les Shintoïstes que pour les Bouddhistes, a inspiré peintres, poètes et photographes. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient Masanao Abe, météorologue dont les vues fascinantes sont aujourd’hui exposées.
Le comte des nuages
Né en 1891 d’une famille aristocratique de Tokyo, Masanao Abe se passionne dès l’enfance pour les progrès scientifiques. Il n’a que sept ans lorsqu’il assiste à la première représentation du cinématographe, qui vient alors de faire son entrée au Japon. Toute son adolescence sera tournée vers l’étude, puis la mise au point d’appareils photographiques et de caméras. Elève doué et assidu, il intègre la faculté des Sciences de l’université impériale de Tokyo, section physique. Voyageur infatigable, il observe avec fascination les formations de nuages et décide, en 1927, de poser ses appareils au pied du mont Fuji. Il passera plus de cinq décennies dans son « laboratoire Abe des nuages et courants atmosphériques ».
Masanao Abe : entre science et poésie
Il y réalisa des centaines de prises de vues, axant ses recherches sur la corrélation entre vents et nuages. Ses travaux, admirablement documentés, sont tous accompagnés de notes précises concernant la date, les conditions météorologiques et la pression atmosphérique, constituant un patrimoine scientifique de grande valeur. Mais c’est surtout par le prisme de l’œuvre d’art que le musée Branly a décidé de présenter le personnage, tant ses images se montrent séduisantes. Ces rêveries, fixées sur plaques de verre ou sur tirage papier, dégagent une féerie hors du temps, figeant des paysages d’une incroyable beauté.
Une œuvre colossale
Mettant tous les moyens techniques à sa disposition, Masanao Abe utilisa, pour réaliser ses prises de vue, des appareils stéréoscopiques, des caméras 16 et 35 millimètres, et se spécialisa même dans la réalisation de scènes filmées en accéléré. L’exposition qui lui est consacré lui rend hommage en dévoilant une sélection d’œuvres variées, qui permettent de saisir l’ampleur des travaux du scientifique photographe. Ne se contentant pas de présenter une suite de clichés, les 170m² de l’atelier Martine Aublet permettent aussi d’admirer une multitude d’appareils utilisés par Masanao Abe. Les volumineuses boites de bois renfermant caméras et appareils photos permettent au visiteur de s’immerger dans le contexte technique de l’époque.
Faire renaitre un artiste oublié
Disparu en 1966, méconnu en Europe, Masanao Abe fait l’objet d’une grande reconnaissance dans son pays natal, où ses œuvres bénéficient de nombreuses expositions. C’est grâce à Yoshiaki Nishino, professeur émérite et spécialiste de l’histoire de l’art, que les travaux de Masanao Abe sont enfin exposés dans l’Hexagone. Le quai Branly et le musée de l’université de Tokyo ont en effet noué en 2013 un partenariat permettant un échange culturel entre les deux pays. En charge de l’installation « Le comte des nuages », le professeur Nishino permet ainsi aux Parisiens de découvrir un photographe majeur, dont les œuvres peuvent être comparées à celles d’Eadweard Muybridge et d’Étienne-Jules Marey.
Le Comte des Nuages, Masanao Abe face au Mont Fuji, du 3 novembre 2015 au 17 janvier 2016.
Musée du quai Branly, 37 quai Branly, 75005 Paris.
Entrée : 9€, Tarif Réduit : 7€