La fondation Jacques Cartier pour l’art contemporain a enfin réouvert! Elle consacre, jusqu’au 13 septembre 2020, une exposition aux superbes travaux photographiques et vidéo de Claudia Andujar sur les Yanomami, une tribu indigène amazonienne menacée de disparition.
Rien ne semblait prédisposer Claudia Andujar, née en Suisse et élevée en Roumanie jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, à croiser un jour le chemin des Yanomami, une ethnie amazonienne présente du Brésil au Venezuela. Cette rencontre improbable s’est pourtant produite au début des années 70, après quoi la photographe et reporter leur a littéralement consacré trente ans de sa vie.
Alors que le nouveau gouvernement brésilien exerce une pression sans précédent sur les populations amazoniennes, le travail de Claudia Andujar nous rappelle que ce sont là des êtres humains, leur culture et leur mode de vie qui sont en passe d’être sacrifiés.
Les débuts : une esthétique de l’anthropologie
L’exposition proposée par la fondation Jacques Cartier est le fruit de quatre années de recherche dans les archives de la photographe. Trois cents photos datant des années 70 à nos jours, des dessins Yanomami ainsi qu’une installation audiovisuelle intitulée “le génocide des Yanomami : la mort du Brésil” composent cette rétrospective unique et poignante. Celle-ci est divisée en deux sections, et la première se base sur les sept premières années de Claudia Andujar au sein de la tribu Yanomami, pendant lesquelles elle cherche, expérimente et se débat avec le défi que représente l’illustration graphique d’une culture singulière et complexe.
L’aspect chamanique de la culture Yanomami notamment donne lieu à l’expression d’une créativité technique et artistique très différente des reportages photos habituels de l’époque. Elle applique de la vaseline sur l’objectif, emploie différents filtres, ou encore utilise des systèmes de flash et de lampes à huile afin de produire un effet trouble et saisissant.
L’activisme devient la priorité
La seconde section comprend les travaux qu’elle a produits par la suite, dans une optique concrète d’activisme politique. Ses photos deviendront alors pour elle un moyen parmi d’autres de défendre la cause Yanomami. “Je suis connectée aux indigènes, à la terre, à cette lutte primordiale. Tout cela me touche profondément”, explique-t-elle en commentant son parcours. C’est cette connexion qu’elle souhaite mettre en exergue et transmettre au public au travers de ses clichés.
Son œuvre évolue alors vers des portraits en clair-obscur, des scènes de vie qui forcent le spectateur à partager une intimité avec les sujets, à embrasser leur dignité et leur psychologie individuelle. La présence de dessins Yanomami rejoint ce désir de faire ressentir l’humanité et la richesse culturelle indigène à chacun. Plusieurs victoires furent remportées en partie grâce à l’action de Claudia Andujar en faveur des Yanomami. La reconnaissance légale d’un territoire protégé par le gouvernement a ainsi été obtenue en 1992 à la suite du combat sans relâche mené par elle-même et d’autres activistes dont un chaman Yanomami.
Ces avancées sont aujourd’hui remises en question par les autorités brésiliennes, de plus en plus désireuses d’exploiter le gigantesque potentiel économique de la forêt amazonienne, fut-ce au péril des populations y résidant depuis des siècles.
Et comme si le sort s’acharnait sur ces dernières, elles viennent de perdre l’un de leurs ardents défenseurs, le chef indigène Paiakan. Il n’est malheureusement que l’un des nombreux indigènes brésiliens victimes du coronavirus.
Donc une exposition à voir absolument!
Photos : fisheyemagazine.fr/ media.eterritoire.fr / lesinrocks.com / claudia-andujar.fondationcartier.com/