L’architecte irako-britannique n’aura pas eu le temps d’assister à l’inauguration de la gare du port maritime de Salerne, au sud de Naples, qui s’est tenue le 25 avril. S’inspirant des lignes courbes et des écailles scintillantes des huîtres, la première œuvre posthume de Zaha Hadid a été ouverte au public peu de temps après son décès soudain le 31 mars à Miami. Retour sur le parcours de cette « diva » hors du commun.
Une architecte d’exception
Née le 31 octobre 1950 dans la capitale irakienne, Zaha Hadid commence d’abord des études en mathématiques à l’université américaine de Beyrouth. Mais elle envisage rapidement un projet qui pouvait sembler alors aussi insensé qu’audacieux dans un milieu exclusivement masculin : devenir une architecte. Elle intègre dès 1972 l’Architectural Association (AA) de l’école d’architecture de Londres, et gagne rapidement le soutien du professeur Rem Koolhaas, qui décrira ultérieurement le travail de Zaha comme « la combinaison d’une énergie énorme, et d’une infinie délicatesse ». Après l’obtention de son diplôme en 1977, le maître prend son ancienne élève comme collaboratrice de son agence Office for Metropolitan Architecture à Rotterdam.
Cependant, cette femme audacieuse et entreprenante se détache de Koolhas pour fonder son propre cabinet en 1979, Zaha Hadid Architects. En 1993, elle termine son premier grand projet, la caserne des pompiers de Vitra en Allemagne. Elle enseigne dans les universités les plus prestigieuses, l’AA de Londres, l’école de design d’Harvard, l’école d’architecture d’Illinois à Chicago ou encore celle de l’université de Columbia à New-York. Exercice de haute-voltige, Zaha Hadid parvient pourtant à combiner excellence académique théorique et reconnaissance mondiale pour ses œuvres physiques.
Sa carrière s’envole, et en quelques années Zaha Hadid s’impose comme une étoile montante de l’architecture contemporaine. Son travail hors-norme est récompensé à plusieurs reprises (mention spéciale au prix de l’Equerre d’argent en 2001, prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine en 2003, prix Praemium Imperiale en 2009). Mais la consécration survient en 2004, lorsqu’elle devient la première femme à recevoir le prix Pritzker, distinction équivalente à un prix Nobel dans le milieu de l’architecture.
Zaha Hadid une artiste déconstructiviste
Zaha Hadid aura marqué l’architecture contemporaine par ses œuvres délirantes essaimées aux quatre coins de la planète.
Artiste hors-norme, elle adhère au mouvement « déconstructiviste » qui cherche à briser les angles droits, à déformer la géométrie établie et à tordre les dogmes de l’architecture classique. Elle réalise des édifices massifs aux tracés démentiels, alliant ondulations aux lignes aiguisées, rugosité du béton au tranchant de l’acier et à la légèreté de constructions aériennes en verre. Elle superpose les plans et les matières, troublant l’œil de l’observateur et brouillant les codes architecturaux. Son travail est un subtil mélange de puissance, corpulence et d’apesanteur.
Parmi ses plus grandes réalisations figurent le musée national des arts du XXIème siècle (MAXXI) à Rome inauguré en 2010, la piscine des Jeux olympiques de Londres en 2012, le musée Guggenheim à Vilnius en Lituanie, l’opéra de Cardiff et celui de Canton, ou encore le Dongdaemum Plaza achevé à Séoul en 2014. En France, elle a réalisé le terminal de tramways de Hœnheim à Strasbourg ainsi que la tour du transporteur maritime CMA-CGM à Marseille.
Des œuvres extravagantes et controversées
Toutefois, tous les projets de l’architecte ne se sont pas réalisés sans controverses. Alors qu’elle travaillait sur le stade de football de Doha pour la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar, un scandale éclate lorsqu’elle semble être indifférente aux décès travailleurs migrants qui ont péri sur les chantiers. Elle contre-attaque en accusant le New York Review of Books de diffamation en août 2014.
Autre déconvenue, elle remporte en 2012 la compétition pour le projet de reconstruction du stade national olympique de Tokyo pour la Coupe du monde de rugby en 2019 et les Jeux olympiques de 2020. Mais elle est congédiée à l’été 2015 en raison du montant faramineux du projet qui était estimé à 130 milliards de yens au départ, mais dont la note était montée à 252 milliards de yens en 2015, soit le projet le plus onéreux de l’histoire moderne.
Le cabinet Zaha Hadid Architects est désormais géré par Patrick Schumacher, l’associé de l’architecte depuis 1988, qui pérennise la mémoire et les tracés extravagants de l’artiste. Zaha Hadid était sans conteste une architecte exceptionnelle, dont la démesure ne s’est toutefois pas répandue sans controverses.