A l’approche des fêtes de fin d’année, nous avons eu envie de discuter Cognac et luxe avec le PDG de la maison H. Mounier, productrices des Cognacs Prince Hubert de Polignac, monsieur Christophe Juarez. Rencontre avec un passionné :
Christophe Juarez, quel rapport la maison H. Mounier entretient-elle avec le luxe ?
L’entreprise a toujours eu une relation naturelle avec le luxe car elle manipule de vénérables eaux de vie surveillées et entourées des soins les plus attentifs depuis ses origines en 1858.
Au-delà de leur présence matérielle, ces alcools conservent l’une des matières les plus rares et précieuses au monde : le temps. Tous ceux qui approchent de près ou de loin des chais de cognac de taille respectable où vieillissent d’honorables eaux de vie anciennes ne peuvent qu’être saisis par cet alignement de fûts à l’infini, cette bibliothèque des saisons et des vendanges, ces années figées dans le temps dignes du pacte de Faust et d’une jeunesse éternelle. Notre métier pourrait se résumer ainsi : « Nous mettons le temps en bouteilles et le léguons aux générations futures ».
En signant la philosophie de notre entreprise « L’âme des anges », nous lançons un défi au temps, nous le retenons pour mieux l’éterniser. Nous sommes depuis longtemps les gardiens de l’âme des anges, du temps qu’il faut pour bien faire les choses. Un courant qui émerge dans le secteur du luxe et qui s’exprime maintenant dans le « Slow Made », un mouvement consumériste européen qui ne promeut pas la lenteur ou l’immuabilité, mais restitue toute sa place au « temps juste » que requiert la conception d’un objet luxueux.
Tout ce qui combine créativité, qualité, geste artisanal, savoir-faire et respect du chef d’œuvre des Compagnons nourrit cet esprit qui souffle dans toutes les composantes du microcosme du luxe. Le temps, ultime luxe qui nous échappe et que le cognac tente de retenir. Longtemps, H Mounier fut un fournisseur privilégié des grandes maisons, signant la reconnaissance d’un savoir-faire exceptionnel détenu par une poignée d’hommes exprimant leurs connaissances sans prétention. Puis vint l’âge des mariages et des rencontres avec l’Aristocratie française et sa longue histoire, celle des Polignac. Est né un cognac puissant et terrien, à l’image de la forteresse familiale bâtie au XIéme siècle et située dans la Haute Loire, près du Velay, un sol de guerriers conquérants et catholiques.
Par quel réseau de distribution passez-vous pour parvenir à vendre ces spiritueux haut de gamme ?
Récemment, on m’a confié que le Cognac était aux spiritueux ce que Bugatti était à l’automobile : la perfection. Si vous aimez boire les eaux de vie distillées à partir de raisin, il n’y a qu’une issue : le Cognac. Mais tous les pays ne se ressemblent pas et il faut constamment s’y adapter : En France, nous arrivons avec beaucoup d’efforts à sortir de la Fine à l’eau, du Cognac du grand-père ou, pire, de la bouteille conservée précieusement pour flamber le steak au poivre.
Fort de cette difficulté historique, nous nous adressons donc volontairement à deux cibles :
– au plus grand nombre dans les grandes enseignes nationales de GD ;
– aux « happy fews », des bouteilles d’exception dessinées à notre intention et des séries limitées comme la malle Poker.
En Europe du Nord, le Cognac fait partie du rituel d’après repas, doit être fidèle à sa réputation et être de bonne facture. Il est vendu dans les magasins d’état ou sur les ferries de la mer Baltique. En Chine, c’est un alcool noble et rare qui reste une dégustation réservée aux « happy fews » (0.5 % de la consommation totale de spiritueux). Il est réservé aux lieux de distraction, aux évènements prestigieux, aux diners entre amis, aux cadeaux d’affaires, aux banquets. Mais la nouvelle élite et cadres de l’économie chinoise en pleine expansion sont friands de son marqueur social. Aux USA, c’est un long drink bu sur de la glace, mélangé dans des cocktails et surtout une eau de vie jeune bue sur le fruit.
Pour vendre la partie élitiste et les meilleurs crus de cognac, il faut aussi savoir s’adresser à une communauté d’initiés, de passionnés, d’amateurs éclairés, d’épicuriens épris d’absolu et de non compromis. Pour atteindre ces fanatiques, il faut aller les trouver là où ils vivent, là où ils consomment, là où ils se distraient. Trois réseaux sont les clefs d’entrée dans ce milieu :
Au cœur des cités qui vivent au rythme des affaires : les bars des grands hôtels, les restaurants, les pubs, les wine bars..
Là où les choses bougent, où il y a du mouvement : dans les aéroports où transitent les passagers et où règnent les nouvelles cathédrales de la religion du luxe, sur Internet aussi bien sur.
Sur leurs lieux de distraction : les compétitions sportives, les ventes aux enchères, les salles de jeu, les resort hotels…
On parle beaucoup de la Chine comme nouvel eldorado commercial, qu’en est-il pour les cognacs ?
L’eldorado commercial chinois est un challenge pour tous ceux qui se revendiquent comme entreprises du luxe. Nous sommes simplement face à un problème mathématique, illustrant ce qu’il convient d’appeler « la théorie des Grands Nombres ».
Il y avait 75 millions de citoyens appartenant à la « classe moyenne » de ce pays émergent en 2010. Il seront 600 millions en 2020. Ils deviennent des citadins avec des rêves de population urbaine et un besoin de consommer pour se distinguer et occuper leur temps libre. Les chiffres sur le potentiel chinois des produits haut de gamme de consommation courante sont donc astronomiques pour tout l’agro-alimentaire français.Sommes-nous prêts à relever le défi ? Pour sa part et dans les scenari les plus optimistes, le cognac prévoit de doubler sa production dans 10 ans. Il n’y aura donc pas de cognac pour tout le monde. La Chine, contrairement à une idée préconçue, n’est pas forcément l’eldorado pour des filières traditionnelles qui sont liées à des approvisionnements agricoles, à des terroirs, à un savoir-faire manuel. L’eldorado chinois pourrait devenir un facteur de risque de déstabilisation pour nos producteurs français, risquant ainsi d’y perdre leur âme.
Quelles sont les valeurs de la marque?
Universel, masculin, puissant, moderne, audacieux
Question bonus : quel est votre Cognac préféré?
L’Extra, car c’est le dernier né de la dynastie Polignac.