Longtemps, la filière viti-vinicole s’est montrée méfiante vis-à-vis du digital. Les temps changent ! Et pour les entreprises spécialisées dans l’œnotourisme ou pour les gros producteurs ayant les moyens d’investir, la digitalisation des échanges, des dégustations et des visites constituent des recours crédibles pour sauver une activité porteuse de revenus.
Apprendre à déguster du vin par écrans interposés : c’est au tour de l’œnotourisme de prendre le virage de la digitalisation. Touchée par la crise liée au Covid-19, la discipline apprend à se réinventer. Une transformation difficile quand la pratique répond plutôt une tradition de rencontres et a toujours requis la présence des consommateurs pour échanger autour d’une table ou d’un tonneau, les vieilles pierres d’un château et les rangs de vignes en toile de fond.
Seulement, avec les exigences des protocoles sanitaires au temps de la Covid-19, le tourisme œnologique essaie de repenser son approche vis-à-vis des consommateurs. Il s’agit d’un secteur très porteur puisque les dépenses globales s’estiment à plus de cinq milliards d’euros au cours de la dernière décennie en France.
50 % des entreprises viticoles sont dépourvue de sites e-commerce
Dans l’hexagone, sont recensés plus de 10.000 caves œnotouristiques et une trentaine de musées ou sites dédiés à l’univers du vin. Parmi tous ces acteurs du monde viti-vinicole, la grande majorité peine pourtant à se tourner vers une offre digitale, ne serait-ce que pour la vente en ligne, indiquer ses horaires d’ouverture ou réagir aux questions posées par de potentiels clients ou visiteurs.
« Les petits producteurs n’ont tout simplement pas les moyens », explique Mélodie G., responsable des ventes au sein d’une petite propriété de Fronsac. Pour les petites structures comme la sienne, la digitalisation est une affaire délicate. Déjà, la réalisation d’un site Web qui fonctionne bien représente un coût alors qu’il est estimé que 50 % des entreprises viticoles françaises sont dépourvue de sites e-commerce. Les producteurs privilégient les réseaux de distribution classiques car la vente particulière en ligne représente un coût difficile à amortir avec l’embauche d’une personne dédiée. Dans ce contexte, miser sur l’œnotourisme digital s’avère impossible et inutile.
Ce dernier serait donc plutôt l’apanage des plus grands producteurs et des entreprises spécialisées qui ont compris l’importance de cette transformation, surtout vis-à-vis des touristes internationaux qui raffolent de l’expérience. Il y a ainsi des visites virtuelles organisées par le propriétaire d’un château ou son chef de culture et l’envoi de mignonnettes en amont aux participants pour déguster à distance dans le cadre d’un cours en ligne assuré par un œnologue.
« Les visites virtuelles n’ont aucun intérêt »
Mais là aussi, la pratique se heurte à des contraintes évidentes. Alex D., professeur en œnologie à Bordeaux déplore « le manque d’interaction avec les gens. J’ai l’impression que mes cours ou dégustations sont plus secs en ligne car les gens participent moins, posent moins de questions et c’est moins intéressant pour tout le monde. » Il estime que l’expérience viticole repose au moins autant sur le produit que sur l’enthousiasme généré par la présence dans un lieu agréable : « c’est le fait d’être dans le château ou dans la cave qui concrétise les souvenirs. » Mélodie G. abonde en ce sens : « les gens qui se déplacent dans un château, c’est autant pour faire une dégustation que pour voir un chai à barriques, des cuves et des vignes. Selon moi, les visites virtuelles n’ont aucun intérêt. »
Difficile de décloisonner une pratique reposant autant sur les échanges que sur l’éveil des sens. Malgré ces difficultés à se réinventer, la filière de l’œnotourisme croit au digital dans un contexte où les sorties et les regroupements demeurent réglementés. Une start-up l’a bien compris et répertorie toutes les offres d’œnotourisme sur son site, ruedesvignerons.com. Une centaine de châteaux proposent ainsi des formules allant de la simple visite de son domaine jusqu’à la dégustation. Une adaptation qui règle la question de savoir s’il faut recracher ou non lors des dégustations : il n’y a pas besoin de conduire pour rentrer chez soi.
Photos : myprovence.fr et Ici-londres.com