L’art contemporain est bien difficile à cerner: Considéré pour beaucoup comme une aberration tant ses créations peuvent parfois s’aventurer sur de sinueuses pistes artistiques, l’art contemporain cherche avant tout à surprendre. L’objet créé ne cherche plus seulement son originalité dans sa forme, mais également dans l’environnement qui le fait naître, dans l’interprétation que fait le spectateur de l’interaction de l’objet avec son milieu. L’art contemporain n’est plus seulement abstrait: aujourd’hui il est surtout interactif et fortement imprégné dans nos lieux de vie. La problématique se pose alors: lorsque Dan Colen empile des Vélib devant l’enseigne Colette pour former un tas métallique pas franchement esthétique, comment associe-t-on cela à de l’art contemporain? Comment dissocier l’objet qui appartient au quotidien de celui qui sera élevé au rang de chef d’oeuvre artistique?
Dodelande et alchimie de l’art
L’alchimie de l’art contemporain est un domaine que connait bien John Dodelande. John Dodelande est art dealer, entrepreneur sur le marché de l’art contemporain. Son rôle? Jouer le médiateur artistique entre l’offre et la demande. En jouant ce rôle de middle-man, il participe à la génération de valeur artistique que va engendrer ce processus de création. Prenons pour exemple l’un des projets notables auquel John Dodelande a joué un rôle majeur, la transformation des poteaux de rugby du stade d’Auckland par l’artiste Arne Quinze pour Eden Park. L’histoire de cette oeuvre est riche, et c’est probablement ce qui la fait rayonner.
Des objets s’affaissent…
Franck Mesnel, fondateur de la marque Eden Park et ancien joueur de rugby, a participé à sa première coupe du monde de rugby (en tant que joueur) dans le stade d’Auckland en 1987. En septembre 2010, suite au tremblement de terre de Christchurch, il achète les poteaux aux enchères, ceux-ci symbolisant dans le rugby le but ultime, l’objet du plaisir en quelque sorte. Dès le départ, l’objet en cours de création possède une histoire, un sens, et est chargé de sentiments.
Franck Mesnel confie ensuite les poteaux à John Dodelande qui a l’idée de les offrir à Arne Quinze, et demande à celui-ci de sublimer le tas de ferrailles en oeuvre d’art (ces poteaux faisaient 18 m de haut pour 400kg). L’artiste décide alors de préserver la verticalité de l’objet et de créer avec les anciens poteaux de nouveaux piliers aux formes tortueuses mais étonnamment esthétiques. L’artiste a su préserver la symbolique d’élévation des poteaux, mais aussi la charge émotionnelle du tremblement de terre qui a provoqué leur déformation. Esthétiques, fragiles, captivants, les poteaux sont passés de l’état d’objet à l’état d’oeuvre.
Les artistes ont un talent pour refléter l’avenir. Nous sommes dans un monde d’anticipation, l’art aide à comprendre l’époque dans laquelle nous vivons. -John Dodelande
…Des oeuvres naissent
Le travail ne s’arrête pas là. Pour devenir une oeuvre d’art reconnue et acquérir la valeur associée, John Dodelande s’est chargé de la mise en scène. Les poteaux de rugby ont été exposés dans la cour d’Artcurial au rond-point des Champs-Elysées le 9 septembre 2011, jour de lancement de la coupe du monde de rugby. Ils ont ensuite été exposés 2 semaines au Donjon de Vez pour finalement retrouver les terres d’Auckland sous leur nouvelle forme.
Dans ce processus de création, Franck Mesnel, Arne Quinze et John Dodelande ont tous trois joué un rôle majeur dans la transformation de l’objet en oeuvre d’art: Franck Mesnel a exprimé une sensibilité pour un objet et en a commandé sa sublimation. Arne Quinze, ici technicien de l’alchimie, a transformé l’objet en oeuvre captivante. Enfin John Dodelande a porté cette oeuvre aux yeux de tous, en l’exposant dans un cadre qui redonne tout son sens et sa force aux poteaux de la victoire. Une oeuvre d’art contemporain n’est donc jamais le produit d’un artiste seul, mais bel et bien d’une chaîne d’acteurs dont l’implication et la créativité investissent le sens même de l’oeuvre qu’ils façonnent.
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