L’entreprise criminelle avait fait les gros titres de la presse en 2004 : le braqueur autoproclamé « terroriste artistique » AK-47 dérobait en plein jour et devant témoins, la célèbre œuvre de Banksy, The Drinker. Ce fameux Penseur de Rodin détourné par l’artiste urbain était donc à son tour sauvagement détournée par l’inénarrable AK-47 et ses sbires. C’est cette histoire aussi cocasse qu’extravagante que relate le film documentaire The Banksy Job.
Voilà un film documentaire que les amateurs de street-art français attendaient depuis longtemps. Réalisé et produit en 2016 par Ian Roderick Gray et Dylan Harvey, The Bansky Job est enfin projeté à Paris depuis début avril. Il narre les exploits d’AK-47, un artiste punk qui a pensé et dirigé l’enlèvement d’une énorme statue de Banksy, le pape du street-art. Baptisée The Drinker, l’œuvre est un détournement fameux du Penseur de Rodin qui se voit affublé d’un cône de balisage routier sur la tête.
Apres avoir dérobé la statue et l’avoir installée dans son jardin, AK-47 a poussé le vice jusqu’à demander une rançon à la star mondiale pour pouvoir la récupérer. Pour couronner le tout, le braqueur loubard s’est filmé dans une mise en scène digne d’une série B.
Un braquage pour l’art
L’histoire aussi invraisemblable que véritable est pourtant, malgré ses aspects folkloriques, plus raisonnée qu’elle n’y paraît au premier abord. A l’instar du Français Zevs qui avait enlevé le personnage d’une affiche publicitaire en 2002 en demandant également une rançon, AK-47 kidnappe les œuvres des autres pour les questionner et interroger sur les limites de l’art.
Le bad boy originaire de Leeds, ancien promoteur de raves parties et ex-producteur de films pornographiques, a la gueule de l’emploi avec son accent à couper au couteau et son passé de hooligan. Fort en gueule, cigare coincé dans un sourire espiègle, style désinvolte, dans ce documentaire AK-47 relate lui-même sa propre histoire s’agitant nerveusement dans ce que lui sert d’atelier-fauteuil.
AK-47, frondeur et punk dans la forme
Le style est dynamique, le ton volontiers irrévérencieux, l’approche résolument artistique. AK-47 fanfaronne, plutôt fier de son coup : il a braqué l’œuvre de Banksy pour la mettre en œuvre artistiquement, la mettre en abîme. Il revendique un sens politique aigu, un angle humoristique et une intention louable : « ce n’est pas pour l’argent, c’est pour créer le chaos » explique-t-il.
Il se présente comme mû par une réelle volonté artistique. Un braquage esthétique, un kidnapping artistique de l’œuvre d’un autre artiste pour questionner son propre travail. Cela avec la volonté de dénoncer à sa façon le mercantilisme et la place de l’argent dans l’art. Pas sûr que cela soit du goût du célèbre graffeur-sculpteur urbain qui apparaît sporadiquement dans les médias le visage masqué.
Bansky et AK47 : « je t’aime, moi non plus »
Une volonté de dénoncer mais aussi, moins glorieux, de se venger ! Parce que la star anonyme du street-art aurait refusé de signer une de ses œuvres, Andy Link alias AK-47, vexé, va chercher à le punir, avec une équipe de bras cassés et un sens du respect plutôt particulier pour le pape du street-art. En effet, en plus de l’enlèvement et en « hommage » au fameux cône du Penseur de Banksy, le kidnappeur a pris un malin plaisir à poser un cône sur la tête de toutes les statues qu’il a croisé sur sa route poursuivant ainsi son « happening » artistique. Pas du plus bel effet pour les touristes de passage, mais on comprend mieux la vision artistique et le clin d’œil humoristique sous cet angle. En guise de réponse, Banksy lui a proposé de lui envoyer de l’argent, non pas pour payer la rançon mais pour acheter assez d’essence pour brûler la statue dérobée.
Le film enfin projeté en France
Déjà disponible depuis l’an passé en Angleterre, le film documentaire a été présenté en France en avant-première début avril au festival Spray. Désinvolte façon Guy Ritchie, pas toujours très fin, volontairement provocateur, aux accents « lynchiens » dans une narration parfois un peu tirée par les cheveux…le film financé en partie via des plates-formes de financement participatif fonctionne malgré tout plutôt bien. Cela grâce au folklore singulier de cette histoire rocambolesque énergiquement mise en scène par un auteur-braqueur fort en gueule.