Le film Insiang de Lino Brocka ressort dans une nouvelle version quarante ans après sa sortie originale en 1976. Il s’agit d’un des plus grands films du cinéaste Philippin Lino Brocka, lui-même un des réalisateurs les plus connus de l’archipel et décédé prématurément en 1991. Il est aussi le premier cinéaste philippin à voir son film nominé au festival de Cannes en 1978. Le film raconte les difficultés d’une famille des bidonvilles surpeuplés de Manille où règnent violence et misère. C’est l’un des côtés sombre de la société philippine qu’a voulu dénoncer Lino Brocka dans son long métrage.
La vie d’Insiang, un quotidien difficile
Insiang, le personnage principal joué par Hilda Koronel, est une jeune femme qui habite un bidonville de la capitale avec sa mère Tonya, poissonnière et son « beau-père » Dado, un caïd du quartier. Blanchisseuse, elle parcourt les ruelles sombres et lugubres pour livrer le linge aux habitants. Douce, gentille et belle, elle représente un rayon de soleil dans ce quotidien morose. Sa relation avec sa mère est difficile et ne cesse de se dégrader depuis que Dado a intègré le foyer.
Peu à peu, la jeune fille se fait harceler sexuellement par ce dernier et sa mère la jalouse. Un jour, les pulsions de Dado se concrétisent et Insiang est violée. Cet événement douloureux va déclencher chez Insiang une prise de conscience. Pour surmonter les difficultés du quotidien, ce personnage tragique va rapidement évoluer. Lino Brocka révèle ici les frustrations subies par ces trois personnages dans une réalité difficile au sein d’une société malade. Une situation aux multiples tabous dont il faut parler pour se libérer, c’est le rôle que joue Hilda Koronel.
Un problème non résolu depuis quarante ans
En 2015, Instang est restauré par la cinémathèque de Bologne. Cette version financée par la World Cinema Foundation et par le Film Development Council des Philippines a été une fois de plus présentée au festival de Cannes, dans la sélection Cannes Classics en 2015.
Cette restauration 4K permet de remettre en avant le chef d’œuvre de Lino Brocka, aujourd’hui disparu, et de reparler des conditions de vies précaires de ces populations pauvres qui, quarante ans plus tard, n’ont pas particulièrement évolué. En seulement 11 jours de tournage dans les bidonvilles de Manille, le cinéaste est parvenu à susciter l’intérêt du public en montrant une vision réaliste du quotidien de ses habitants. En effet le côté mélodramatique et tragique du film dénonce le problème commun de nombreuses grandes métropoles telles que Manille: la surpopulation et la promiscuité de leurs bidonvilles devenant le théâtre d’inégalités, de conflits et de drames. Cette nouvelle version, sortie en salles le 29 juin 2016 en France, revalorisera le travail de Lino Brocka et influencera les générations actuelles et futures de cinéastes philippins.
L’élection présidentielle aux Philippines s’est déroulée le 9 mai 2016 dans un contexte démographique et politique tendu et un climat délétère. Il devient urgent de s’occuper de la situation des plus démunis dans un pays ou un quart de la population, soit environ 25 millions de personnes, vivent encore sous le seuil de pauvreté. En réapparaissant cette année, le film Insiang permet de recentrer au cœur de l’actualité un problème majeur de la société philippine.
