Vendre son livre aux États-Unis peut tourner au calvaire pour les auteurs non anglophones. Aujourd’hui, seulement 3 % des ouvrages vendus sur le marché américain ont pour origine une langue autre que l’anglais. Pour promouvoir la littérature internationale, Europa Editions a lancé « Bookselling without Borders », initiative par laquelle l’éditeur met en relation des librairies indépendantes américaines et des écrivains de langues étrangères.
Quatre éditeurs se sont associés à Europa Editons pour créer Bookselling without Borders: Graywolf, New Press, Other Press et Catapult. Le concept est simple : une bourse est offerte à quinze libraires pour se rendre en 2018 dans trois grandes foires internationales du livre (Francfort, Turin et Guadalajara au Mexique). L’initiative a été expérimentée et une délégation s’est déjà rendue en Allemagne puis en Italie par le passé.
À rebours des politiques conservatrices des maisons d’édition
Les libraires peuvent ainsi s’accoutumer avec la scène internationale du livre. L’enjeu est essentiel car ils sont un maillon fondamental entre l’auteur et ses lecteurs. Pourtant, aux États-Unis, ils sont souvent peu au fait de ce qui peut s’écrire à l’étranger, faute de traductions mais aussi à cause des politiques conservatives des maisons d’édition dominantes qui poussent au monolinguisme.
L’idée de Bookselling without Borders nait quand Ariana Paliobagis, propriétaire de « The Country Bookshelf » à Bozeman dans le Montana, accompagne la délégation d’Europa Editions à la foire du livre de Francfort en 2016. À la tête de la maison d’édition, Michael Reynolds, pense alors diffuser la littérature internationale au-delà du microcosme new-yorkais traditionnellement ouvert aux cultures étrangères.
Penser différemment l’industrie du livre américaine
Selon Michael Reynolds, il y a un réel attrait pour la littérature non anglophone aux États-Unis. « Je pense qu’il a des gens intéressés par la lecture de romans traduits parce qu’ils offrent des perspectives différentes relatant d’autres expériences ». Pour l’éditeur, les poussées isolationnistes qui émergent un peu partout dans le pays ne sont pas étrangères à cette recherche d’altérité chez les lecteurs américains.
Michael Reynolds veut casser une idée reçue sur la fragilité de la production de littérature aux États-Unis. « L’industrie américaine est très robuste, mais il y a également différentes façons de penser à propos des livres, de l’édition, de la distribution de l’écriture et de la lecture ». Il espère s’inspirer des méthodes qui ont connu du succès sur les marchés étrangers généralement plus matures qu’aux États-Unis
Un financement assuré
Pour supporter ses projets, Bookselling without Borders a levé 30.000 dollars sur Kickstarter, la plateforme de financement participatif. L’organisation pourra ainsi envoyer quatre à cinq libraires sur chacune des foires ciblées. La délégation y détectera peut-être les prochains Elena Ferrante ou Karl Ove Knausgaard qui viennent récemment de connaître le succès outre-Atlantique.
Bookselling without Borders, est une initiative citoyenne et un pont entre les cultures. Le projet est à ses débuts mais pourrait s’intéresser à l’avenir à la littérature francophone. De plus, l’anglais est devenu inévitable dans la communication entre les peuples, et se faire traduire dans la langue Shakespeare offre aux auteurs l’opportunité de distribuer leurs titres bien au-delà du marché américain.