Depuis 40 ans, le photographe et chauffeur de taxi Matt Weber documente la vie new-yorkaise, offrant un regard plein d’humanité sur une ville qui était ô combien bouillonnante avant la crise.
Street artist. Voici une définition qui sied à merveille à cet enfant des rues qui explore la Grosse Pomme depuis ses plus tendres années. Lors de ses interviews, Matt Weber évoque toujours avec nostalgie cette période de son enfance durant laquelle, avec ses camarades, il arpentait les quartiers d’une ville qu’il ne cessera jamais d’aimer.
Adolescent, il participe au mouvement naissant du graffiti ornant les murs du métro de sa signature MALTA. Mais après un grave accident dans un tunnel et de multiples arrestations, le jeune homme décide de se tourner vers une activité certes tout autant risquée mais plus en accord avec la loi. Ainsi à vingt ans, en 1978, le voilà chauffeur de taxi travaillant la nuit dans un New-York semblable comme deux gouttes d’eau à celui mis en scène par Martin Scorsese.
Voyage au bout de la nuit
Il assiste alors à des moments rassemblant toute la palette des émotions : bagarres et prostitution, trafic de drogue et règlements de comptes, mais aussi scènes de liesse populaire, baisers langoureux et petits gestes du quotidien qui sont autant de témoignages précieux défilant derrière son pare-brise.
Après quelques années, il se décide à acquérir un appareil photo qu’il tient à portée de main et qu’il brandit à chaque occasion. En résultent des clichés d’une rare intensité, la plupart dans un superbe noir et blanc granuleux faisant immanquablement songer aux œuvres de Cartier-Bresson dans la quête de cet « instant décisif » cher aux photographes urbains. Et quel meilleur poste d’observation pour un photographe qu’un taxi new-yorkais sillonnant la ville nuit après nuit ?
Une ville qui ne dort jamais
L’aventure n’aura certes pas été sans risques. Agressé à plusieurs reprises, le photographe, parfois victime de son indiscrétion, a revendu sa licence de chauffeur pour se consacrer uniquement à la photographie. Conduire un taxi la nuit dans les rues de New-York lui a permis, en plus d’un salaire confortable, d’offrir un point de vue incomparable sur la ville.
Son œuvre prolifique a fait le tour du monde, rejoignant les images d’une ville et d’une période iconiques sublimées par Jack Garofalo, Bruce Davidson ou Martha Cooper. Un livre a été édité en 2019 (« Street trip, life in NYC », aux éditions Carpet Bombing Culture), et l’artiste a fait l’objet d’un documentaire en 2012 (« More than the rainbow », réalisé par Dan Wechsler).
Changement d’objectif
La paternité aura contribué à amener le photographe vers des terrains moins dangereux. Alors que de nombreuses images étaient auparavant prises directement depuis son taxi, l’art de Matt Weber s’est, avec le temps, rapproché de ses sujets, la couleur a peu à peu remplacé le noir et blanc et le jour a cédé la place à la nuit.
Même le digital s’est invité dans une pratique qu’il n’imaginait qu’en argentique, lorsqu’il s’est soudain rendu compte qu’il vendait peu à peu tous ses effets personnels afin d’acquérir les derniers rouleaux de pellicule disponibles.
Fini le temps où, de retour de son travail, il gagnait directement la petite pièce qu’il avait aménagée chez lui pour développer ses clichés. Son travail, s’il a perdu son aspect menaçant et violent, a gagné en richesse et en assurance. À l’image, somme toute, de cette ville qu’il continue d’affectionner plus que n’importe quelle autre.
Site internet de l’artiste : http://mattweberphotos.com/
Instagram : @matt.weber.photos
Sources des photos pour l’article : jamesmaherphotography.com/ media-amazon.com