Du 3 avril au 23 août 2015, le Brooklyn Museum accueille une exposition dédiée à Jean-Michel Basquiat. Rien d’inhabituel direz-vous; l’artiste new yorkais étant l’un des plus renommés des années 80, son œuvre dense et largement reconnue a reçu les honneurs de dizaines de musées de par le monde. Mais il s’agit cette fois de présenter au public une série de carnets inédits, regroupant des notes, croquis, réflexions, dessins, jetés sur le papier par l’artiste durant sa carrière. Renouveler l’intérêt pour un défunt créateur en exhibant des fonds de tiroir d’un intérêt discutable, et que lui-même n’avait pas estimé judicieux de rendre public, est une ficelle trop répandue dans le monde de l’art. On ne compte plus les albums posthumes et autres recueils de pensées tentant laborieusement de raviver la flamme chancelante du public pour un artiste disparu sur la base d’un matériau d’une qualité largement inférieure à son œuvre officielle.
Une œuvre toute en spontanéité
Mais il en va tout différemment de cette exposition. Tout d’abord parce que l’œuvre de Basquiat tire toute sa puissance de son « inofficialité ». Son art se situait à la réjouissante confluence de l’art brut, du pop art et des expériences picturales des affichistes des années 50. La spontanéité rageuse et poétique qui transpirait de chacune de ses toiles s’affranchissait de tout académisme, et ça n’est pas un hasard si ses influences les plus marquantes lui vinrent des graffitis, des folles improvisations du be-bop ou encore des jeux d’enfants. Ces carnets constituent en cela une occasion unique de prendre un nouveau bol d’air artistique, vivifiant et salvateur, en parfaite cohérence avec le reste de son œuvre.
Basquiat : une carrière trop courte
Il faut également noter que ces phrases, ces interjections, ces dessins jetés sur le papier, s’ils n’avaient pas vocation à être publiés, sont peut-être un début de revanche que nous offre le Brooklyn Museum sur un destin injuste. À l’image même de ces carnets, l’œuvre de Basquiat fut prolifique et éphémère. Riche de 600 toiles et 1500 dessins, sa production ne s’étala que de 1980 à 1988, lorsqu’il mourut d’une overdose, âgé de seulement 27 ans – âge maudit entre tous chez les génies de la pop culture. De combien de moments d’émotion, de coups de pinceau rageurs et d’envolées poétiques avons-nous été privés ? Le public a là une chance unique de réclamer une partie de son dû, floué qu’il fut par le destin.
New York célèbre un de ses enfants
Enfin, quel meilleur endroit que le Brooklyn Museum pour cette ultime déclaration d’amour a Basquiatv? Le jeune prodige y est né en 1960, d’une mère porto-ricaine et d’un père originaire d’Haïti, représentant à lui seul le fameux melting pot si typique de la “Grosse Pomme”. A l’instar de Lou Reed, Paul Auster ou Andy Warhol, qui fut d’ailleurs son mentor le plus influent, Basquiat fait désormais partie de la galerie de personnages invraisemblables et magnifiques qui ont forgé l’imaginaire collectif lié à l’art et au microcosme new-yorkais, et suscité un bouillonnement créatif absolument unique au monde. Réjouissons-nous donc de retrouver dans la ville qui l’a fait naitre l’émotion brute de ce new-yorkais par excellence, et partons gaiement faire la toile buissonnière en compagnie de son imagination.
Plus d’infos :
https://www.brooklynmuseum.org/exhibitions/basquiat_notebooks/