L’Opéra de Paris a fait un pari audacieux en confiant l’ouverture de sa saison 2016/2017 au jeune metteur en scène Thomas Jolly qui y réalise son premier opéra. La nouvelle coqueluche du théâtre français y présente Eliogabalo, un opéra baroque du XVIIème siècle de Cavalli.
Pour Thomas Jolly, mettre en scène un opéra est « une envie secrète partagée par la plupart des metteurs en scène. Car il n’y a qu’à l’opéra où l’on peut se permettre cette grandeur spectaculaire » confiait-il aux micros de France Musique. Le jeune prodige admet que l’expérience a été une grande source de joie. Il a d’ailleurs déjà prévu la mise en scène de Fantasio d’Offenbach à l’Opéra Comique sur laquelle il commencera à plancher en février prochain.
Une formation de théâtre public
A 34 ans, et en une dizaine d’année, le jeune rouennais a fait une entrée remarquée dans le monde du théâtre. Thomas a pourtant choisi une voie humble, celle du théâtre public. Il étudie le théâtre à l’université de Caen, dans sa région natale. En parallèle à sa licence de théâtre, Thomas monte dès 1999 sa propre troupe universitaire et joue dans plusieurs festivals de la région.
En 2001 il intègre l’ACTEA de Caen, une formation professionnelle artistique, puis en 2003 l’Ecole nationale supérieure du théâtre national de Bretagne (TNB) où il travaille sous la direction de Jean-François Sivadier, Claude Régy, ou Robert Cantarella entre autres. « Ils m’ont éveillé » se souvient le Normand.
En 2006, il monte à Rouen sa compagnie théâtrale, La Piccola Familia, avec qui il fait plusieurs mises en scène parmi lesquelles Toa de Sacha Guitry, créée en 2009 et qui reçoit le prix du public de l’Odéon dans le cadre du festival jeunes compagnies Impatience.
La musique au service du texte
Dès 2010, il se lance dans un projet pharaonique en choisissant de mettre en scène la triologie Henry VI de Shakespeare. Résultat : une pièce de 18 heures totalement hors norme qu’il découpe en épisodes, façon saga cinématographique. Thomas Jolly recevra le Molière du meilleur metteur en scène d’un spectacle de théâtre public en 2015 pour cette œuvre.
Ces spectacles portaient déjà en eux la dimension opératique de par leur démesure et leur forme spectaculaire. Après cela l’opéra était une suite naturelle pour Thomas Jolly. Pour Eliogabalo, il a choisi de s’entourer de jeunes talents, comme le chef d’orchestre argentin Leonardo Garcia Alarcon, qui dirige son ensemble la Cappella Mediterranea en formation réduite.
Cette œuvre est plutôt du théâtre chanté qu’un opéra, ce qui se traduit par un grand nombre de récitatifs. « Il m’a laissé une grande liberté par rapport aux tempos, il a mis la musique au service du texte. » Thomas Jolly, en accord avec son chef d’orchestre, a tenu à ajouter des parties dansées à l’œuvre.
Des scènes éblouissantes
La soprano Nadine Sierra a apprécié l’ouverture d’esprit de Thomas, de même que le contre-ténor Franco Fagioli qui tient le rôle d’Eliogabalo : « il vient du théâtre, je viens de la musique, ce savant mélange rendra le spectacle brillant. »
Si les critiques ont été partagées, regrettant la mise en scène « trop sage » d’un prodige qui aurait sans doute laissé présager mieux, le public de l’Opéra Garnier reste conquis. On a pu retrouver la patte du metteur en scène d’Henri VI dans certaines scènes éblouissantes, telles celle où des hiboux viennent semer le trouble lors du banquet organise par le tyran, ou encore celle du bain d’Eliogabalo où son corps et ses habits se recouvrent d’or à mesure qu’il sort de l’eau.