Mali twist, les nuits lumineuses de Bamako

Le Blog Lifestyle 30 novembre 2017 0

Ce sont plus de 250 photographies réalisées par Malick Sibidé qui sont exposées à la fondation Cartier jusqu’au 25 février. 250 images prises en grande majorité durant l’euphorie des années 1960, alors que le Mali venait d’acquérir son indépendance et qu’une jeunesse folle d’espoir se déhanchait sur des pistes de danse improvisées. Les clichés du photographe décédé l’année dernière ne font pas que témoigner d’une époque : ils sont aussi et surtout, par leur sensibilité et par l’humanité qui s’en dégage, des œuvres d’art intemporelles.

mali twist

Agriculteur, berger, bijoutier, dessinateur et photographe

Malick Sidibé est né en 1936 à Soloba, village proche de la frontière guinéenne. Ses parents, d’origine peule, possèdent un petit cheptel ainsi que quelques arpents de terre, que le petit Malick apprend vite à cultiver. A peine en âge de marcher, il accompagne le maigre troupeau de moutons jusqu’à ce jour de 1944 où le chef du village convoque les jeunes pour sélectionner ceux qui seront aptes à fréquenter l’école. D’un esprit vif, sociable et curieux, l’enfant, qui a alors 8 ans, est envoyé en ville, pour la plus grande fierté de ses parents.

Doué pour les arts, il est repéré par le gouverneur français qui décide de l’envoyer parfaire ses études à l’Institut national des arts de Bamako. Il s’y spécialise dans la bijouterie et le dessin, avant d’être engagé par un photographe pour la décoration de son studio. Gérard Guillat-Guignard, dit « Gégé la pellicule », couvre les baptêmes, les mariages, les communions, et effectue des portraits dans son atelier. Malick Sidibé observe, s’imprègne des gestes du photographe, et se lance dans l’aventure, armé de son Kodak Brownie, tandis que « Gégé » lui transmet les rudiments du métier.

« L’œil de Bamako »

Avec l’aide de sa famille et de son mentor, Malick Sidibé ouvre en 1962 son propre studio photo, qui restera au même emplacement jusqu’à sa mort. Le Mali des années 1960 est un pays plein d’espoirs, de projets, ouvert sur le monde et riche de promesses pour une jeunesse avide de divertissement.

Le jeune photographe s’identifie dans cette fraîcheur, la sublime dans des clichés superbes, témoignages d’un temps révolu où l’on dansait toute la nuit durant sur du tcha-tcha, du twist, du rock ou de la musique afro-cubaine. L’ambiance montait d’un cran lorsque Malick Sidibé pénétrait dans la salle, donnant un coup de flash pour annoncer son arrivée. Tout le monde, alors, prenait ses plus belles poses, effectuait ses plus belles danses, espérant retrouver son cliché affiché sur la devanture du studio dès le lundi matin. Car Malick, rentrant parfois à l’aube, s’attelait immédiatement au développement afin de proposer ses images à la vente, souvenir d’une soirée réussie ou témoignage d’un amour à jamais immortalisé. Incontournable de ces moments de gaieté, son activité s’essouffle pourtant à la fin des années 1970, alors que le régime se durcit et que l’esprit n’est plus vraiment à la fête.

Une renommée internationale acquise sur le tard

Immense célébrité à Bamako, le photographe n’acquiert une reconnaissance internationale qu’au milieu des années 1990. André Magnin, inlassable découvreur de talents et organisateur de l’exposition qui se tient actuellement à la fondation Cartier, se rend au Mali en 1995. Il y rencontre les deux maîtres de la photographie malienne, Seydou Keïta et Malick Sidibé, et contribue à des expositions en leur honneur. Malick Sidibé sera comblé par des récompenses prestigieuses : il est le premier Africain à recevoir le prix international de la fondation Hasselblad, sa carrière est honorée par un Lion d’or à la 52e Biennale d’art contemporain de Venise, il obtient le prix PhotoEspaña Baume & Mercier pour ses portraits et, en 2009, le World Press Photo dans la catégorie Arts and Entertainment.

Ce n’est pas seulement à ce photographe hors-pair que la fondation Cartier rend hommage, mais aussi à la jeunesse radieuse et intemporelle, à l’insouciance, à l’amour et aussi à cet art fabuleux qu’est la photographie.

 

Mali Twist, jusqu’au 25 février 2018
Fondation Cartier, 261, boulevard Raspail 75014 Paris.

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